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La 3ème révolution

11 Février 2009 , Rédigé par Guillemette Baffert Publié dans #Eco-citoyenneté

"Nous y sommes" par Fred Vargas


Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace
dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.


Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio,
qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal. Telle notre bonne
vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance.
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste
était à la peine.


Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à
l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons
vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons
voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des
tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé
le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire
qu'on s'est bien amusés.


On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire
fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la
terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes,
faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni
connu.
Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de
sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de
terre.
Certes.


Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique
et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont
quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre
avis.
C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés
jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées
qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la
danse).
Sauvez-moi, ou crevez avec moi.


Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute
illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux.
D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore
avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.


Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture,
figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à
la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas
sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la
marine à voile, laisser le charbon là où il est, - attention, ne nous
laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille - récupérer le crottin,
pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris
dans les mines, on s'est quand même bien marrés).


S'efforcer. Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.
Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont
fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour
de la barbarie -une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus
aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.


Fred Vargas , Archéologue et écrivain


Merci Vert chez moi pour le commentaire:
"Pour information, Fred Vargas a écrit ce texte en signe de soutien à Europe Ecologie. Voir l’original: http://www.europeecologie.fr/blog/nous-y-sommes"

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V
Pour information, Fred Vargas a écrit ce texte en signe de soutien à Europe Ecologie. Voir l’original: http://www.europeecologie.fr/blog/nous-y-sommes<br /> Je remarque que le texte circule beaucoup mais que sa raison d’être n’est jamais évoquée… dommage!
Répondre
G
<br /> En effet, j'ai reçu ce texte dans ma messagerie brut, j'ai cherché rapidement sur Internet d'où il venait et il était partout, donc je n'ai pas trouvé rapidement... merci pour cette précision!<br /> <br /> <br />