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Mais heu, et la socialisation alors?

9 Mars 2007 , Rédigé par Guillemette Baffert Publié dans #Instruction en famille

C'est clair, c'est la question (l'inquiétude?) la plus fréquente peut-être concernant l'instruction en famille qui nous est posée... [tiens au passage, je pourrais écrire un article sur les interrogations les plus fréquemment soulevées?]

Je pense qu'il y a deux aspects à cette question:
- apprendre à vivre en société
- appréhender toute la diversité de la société

Selon mes interlocuteurs, c'est l'un ou l'autre des deux aspects qui ressort, ou même les deux!

Je me suis beaucoup posé la question quant à moi concernant le premier aspect, car l'aînée de mes filles est plutôt solitaire (encore que... mais bon, une généralité n'est jamais le reflet de la réalité), en tout cas ce qui est sûr c'est qu'elle n'a commencé à s'intéresser aux autres que tardivement, les autres enfants vers 3-4 ans, et les adultes, heu, encore après... Alors quand j'entendais des mères parler de leurs enfants de 18 mois qui s'éclatent avec leurs copains, je me suis quand même posé des questions. Il est vrai aussi que ma deuxième fille a été beaucoup plus tôt intéressée par les autres, adultes et enfants confondus. J'ai eu à faire mon dueil d'une fille aînée "mondaine" et socialement correcte, car d'abord ce n'est pas ce qu'on attend d'un enfant bien élevé donc ça me renvoyait une image négative de mon éducation et ensuite c'est le contraire de moi, donc j'ai un peu de mal à comprendre...

Puis j'ai été plus attentive aux autres enfants, et même à ceux qui sont censés être super sociables d'après leurs mères, et finalement la tendance générale est quand même un intérêt limité pour les autres enfants avant 3 à 6 ans, selon les enfants. Et puis j'ai réalisé que chez les adultes aussi il y a des différences, et que ceux qui ne sont pas vraiment mondains sont affectueusement surnommés des "ours", et qu'ils sortent quand même de leur tanière régulièrement et qu'ils ont aussi des amis.

Finalement, il me semble que la mise en avant d'une super sociabilité (de préférence précoce) relève du même phénomène que la mise en avant de l'autonomie (précoce aussi) de l'enfant: une espèce de course à celle qui aura l'enfant le plus sociable et le plus autonome, car ces qualités sont très à la mode en ce moment et seraient le reflet d'une bonne éducation et d'une bonne intégration future à la société (et sinon quoi???). Et moi je trouve ça plutôt pathologique de vouloir avoir un enfant "mieux" que les autres, qu'est-ce que cela reflète de NOTRE personne? NOTRE manque d'assurance, NOTRE besoin de reconnaissance???? à mon avis un enfant n'a pas à porter sur ses épaules le fardeau de ses parents en matière d'estime de soi.

Il me semble que comme pour tout, on peut aussi laisser l'enfant aller à son rythme pour découvrir le monde et la société qui l'entourent. Un enfant en-dessous de "l'âge de raison" si bien nommé (7 ans, je le rappelle) ne perçoit pas forcément le sens de dire "bonjour" à quelqu'un qu'il ne connait pas ou qu'il n'a justement pas envie de voir. Comme il ne voit pas le sens de jouer à plusieurs s'il préfère jouer "à côté" le temps d'apprivoiser l'autre. Un enfant ne se force pas de lui même, ou alors pour faire plaisir à ses parents (chantage affectif?), mais prend le temps dont il a besoin pour développer ses capacités de communication. J'ai l'impression que souvent il est demandé à l'enfant qui ne sait pas encore parler, ou à peine, de jouer avec d'autres (parce que c'est si mignon), et en plus de bien s'entendre avec eux (donc de refouler des émotions considérées comme négatives), et de ne surtout pas les taper (quand il ne trouve pas les mots)! Est-ce que ça ne ferait pas un peu trop à gérer pour un enfant qui n'a pas encore développé tout un tas de capacités intellectuelles d'adulte?

Donc, en ce qui concerne le premier aspect de la socialisation, je ne fais rien si ce n'est observer les différentes étapes par lesquelles passent mes filles et leurs apprentissages et "progrès" dans ce domaine. Ce que j'ai constaté dernièrement, c'est que lorsqu'elles se décident à communiquer,  avec un adulte surtout, elles lui accordent alors toute confiance et la relation est assez surprenante d'affection et de franchise. Je n'étais pas habituée à voir ce genre de relations entre enfants et adultes. J'avais pu observer des relations de dépendance affective (le désir pathologique d'être aimé de la maitresse ou d'attirer l'attention exclusive d'un invité par exemple) ou de petit singe bien dressé ("bonjour madame, merci madame" sur un ton monocorde de robot et les yeux dans le vague), et d'autres relations plus saines où l'enfant a besoin de bien faire connaissance avant de jouer ou discuter avec, mais je n'avais pas fait attention à cette qualité de relation que j'ai pu observer depuis peu chez mes filles. Donc pour dire que je ne me fais pas de souci, elles apprendront bien quand ça sera nécessaires pour elles les codes sociaux dont elles auront besoin, en attendant, elles y vont à leur rythme et avec bon coeur!

Concernant le deuxième aspect de la socialisation, on m'oppose souvent l'argument que mes enfants cotoient des adultes ayant la même façon de penser que moi, et que cela ne leur permet pas d'appréhender toute la société, parfois on me dit même que ce sont des personnes de la même catégorie sociale. Là il suffit de venir à l'une des rencontres de familles d'enfants non-scolarisés pour se rendre compte que plusieurs catégories sociales se cotoient. Il n'y a vraiment pas d'unité et même des disparités étonnantes!

En ce qui concerne la pensée unique servie à nos enfants non-scolarisés, je reconnais que souvent les parents dans les familles d'enfants non-scolarisés ont un peu la même façon de voir l'éducation, et que LORS DES RENCONTRES de ces familles, effectivement, les enfants auront comme interlocuteurs adultes des parents "sur la même longeur d'onde".  Mais en dehors des rencontres, les enfants non-scolarisés accompagnent leurs parents dans la société justement: commerçants, administrations, professions médicales, et toutes les personnes des musées, guichets, caisses, alors que lors des sorties scolaires en groupe les enfants ne voient même pas ces personnes là!

Est-ce qu'un enfant qui va à l'école n'est pas lui aussi confronté à la pensée unique des quelques adultes avec lesquels il interfère? Il y a la maitresse, la dame de cantine, et au mieux un interlocuteur de plus lors des activités extra-scolaires? Cela fait assez peu de diversité somme toute. En ville les écoles étant organisées par quartier, les différences sociales sont aussi peu importantes et si l'enfant est en école privée ou à pédagogie alternative (souvent très cher), c'est encore pire: que des enfants de riches!

Et il me semble bien que les enfants qui vont à l'école ont des devoirs le soir, peut-être des activités extra-scolaires, et que le reste du temps ils sont chez leurs copains de classe qu'ils cotoient plusieurs années de suite toujours les mêmes, et qu'ils n'accompagnent pas leurs parents en plus dans la société: ils sont gardés par une baby-sitter (ou l'un des parents) pendant que les parents vont à la soirée machin, ou bien en week-end, ou au supermarché le samedi. Je m'interroge... à part leurs grands-parents, quelles personnes âgées ces enfants connaissent-ils? à part leur cousin quand ils en ont, quels enfants d'âge différent ces enfants connaissent-ils? les grands qui les bousculent à la récré (ce qu'il reproduiront quand ils seront les plus grands à leur tour...)? les petits qui sont dévalorisés? et quelles professions et métiers ont-ils la possibilité d'appréhender alors qu'ils passent leur temps à l'école ou dans la voiture pour aller à l'activité X ou Y ou Z?

Bon, en fait je ne voulais pas faire la liste des inconvénients de l'école, je m'y suis sans doute mal prise, sûrement que de faire la liste des choses positives de l'instruction en famille serait plus constructif et utile. Les enfants qui ne vont pas à l'école cotoient à mon avis plus de personnes de différentes façons de penser, de différentes professions, de différentes générations que les enfants qui vont à l'école, tout simplement parce qu'ils ont le temps d'aller dans la société. Les enfants qui vont à l'école n'ont souvent pas ce temps là. Il est tout à fait normal qu'on n'aille pas au supermarché (à la piscine, à la CAF, chez le cordonnier, à la banque) avec un enfant qui vient de passer une journée à l'école, il serait bien épuisé! Du coup cet enfant ne connait que ses interlocuteurs scolaires et les amis de ses parents. Est-ce réellement plus q'un enfant qui est dans le monde bien plus souvent que lui, qui a le temps de discuter et de nouer une relation (parce que les parents sont moins pressés de ne pas avoir à jongler avec les horaires et le peu de temps libre qui reste après l'école) et qui en plus a l'avantage de ne pas être noyé dans le groupe scolaire mais reconnu en tant qu'individu?

Sans compter que les enfants non-scolarisés aussi vont aux activités extra-scolaires, ils ont aussi des familles élargies, ils ont aussi des parents qui ont des collègues de travail et des amis de longue date qui ne pensent pas forcément de la même façon que leurs parents.

Finalement pour moi ces inquiétides ne sont pas fondées, ou en tout cas ne concernent pas plus les enfants non-scolarisés que les enfants scolarisés. Qu'est-ce qui se cache derrière cet argument de la socialisation que l'on nous oppose? Là j'aimerais des réponses... plutôt que d'avoir à en donner pour justifier du bon dévelopemment social de mes enfants!

En plus ça me fait rire moi qui suis si bien au milieu de la société justement :-)) et donc qui y traîne mes enfants!

Cet article fera partie de la Farandole Sans Ecole 3ème édition.
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N
Merci pour cet article, dans lequel je me retrouve, et je retrouve mes préoccupations, désirant accompagner mon ( et plus tard mes ) enfant " aussi " par l'enseignement. J'aime beaucoup ton blog, que j'ai découvert il y a quelques mois.A bientôt!
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G
Merci de ton commentaire, et de tes recettes de cuisine alléchantes! En ce qui concerne l'instruction en famille, pas mal de blogs en parlent maintenant, ça permet de trouver pas mal d'info et de soutien, car comme tout choix "confidentiel" on en a besoin quand on se lance dans l'aventure... Voir http://www.ringsurf.com/netring?ring=laiacercle;action=list
M
 merci pour cet article très intéressent et touchant  mes enfants vont a l' école et pourtant je m' intérroge sur le bien fondé de celle si  voyant combien Arthur n' y ai pas heureux !  la question que tu soulève sur la norme aussi ' interpelle  comme si il y avait une compétition a tel age on doit faire ceci  ou cela  et si on le fait pas si ton enfant ne le fait pas  es tu un mauvais parent? ce monde d' image dans lequel on vit  est un fléau !  et puis  un enfant on le fait pour soi pour les autre ou est il juste un individu   a part entière qui a besoin d' être accompagné et non formater
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J
Merci pour cet article! J'ai trouvé tout particulièrement tes observations sur le développement de la "sociabilité" propre à chaque enfant.
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B
en ce qui concerne la diversité culturelle et sociale, elle est rarement véritable à l'école en fait. Comme tu le dis si bien "En ville les écoles étant organisées par quartier, les différences sociales sont aussi peu importantes et si l'enfant est en école privée ou à pédagogie alternative (souvent très cher), c'est encore pire: que des enfants de riches!"
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